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fdenanteuil

Rapport hebdomadaire du 11 mars 2022


Nouvelles importantes de la semaine


Possibilités d'embargo sur le gaz russe par les européens

Lundi matin, le marché a "pricé" un embargo sur le gaz russe avec des prix à 350 eur/MWh.

En effet, après un week-end de manifestations importantes partout en Europe et en Allemagne en particulier, la posture d'Olaf Scholz semble plus fragile.

Scholz ne voulait pas d'embargo sur le gaz russe, mais rappelons que la politique énergétique allemande est très dépendante de l'opinion publique allemande.

Les Allemands étaient contre le nucléaire... Merkel a fermé les centrales nucléaires. Alors si les Allemands sont contre l'import de gaz russe que va-t-il se passer ?


Malgré des tentatives de négociation, même les plus optimistes comme Macron comprennent qu'ils font face à un Poutine qui n'est plus tout à fait rationnel (du moins ses objectifs ne sont pas rationnels).

Les perspectives d'une fin à la Kaddafi ou à la Milosevic lui font perdre encore plus pied, malgré un calme de façade.

L'occident compte sur le peuple russe pour sortir Poutine d'une manière ou d'une autre. Les sanctions contre la Russie cherchent à atteindre cet objectif.

Des discussions informelles -rapportées d'un forum pétrolier à Houston cette semaine- semblent montrer que les Américains n'apprécient pas la posture de Total de continuer l'activité en Russie. A terme, Total pourrait être sanctionné comme la BNP avec l'Iran.


La question de l'embargo sur le gaz russe par les européens se pose donc :

-car cela affaiblirait la Russie de Poutine,

-car la population allemande semble le vouloir,

-car les Etats-Unis semble le souhaiter.

Avant toutes choses, l'Europe pourrait prendre le maximum de gaz spot puis supprimer le SWIFT juste avant paiement trimestriel du gaz russe.

Si l'Europe avance dans le sens d'un embargo gazier, il y a de nombreuses questions techniques qui se posent.


1 Qu'arriverait-t-il aux contrats existants avec Gazprom?

Dans tous les cas, les contrats avec Gazprom devraient probablement être transférés à un nouvel "Acheteur Unique Européen" faisant face à la Russie.

Gazprom a été sorti des contrats cadre EFET cette semaine. Cela gênera Gazprom pour négocier en direct avec les clients.

C'est un premier pas vers un potentiel "Acheteur Unique Européen" de gaz russe.

Le transfert de contrats existants vers un acheteur unique serait complexe.


2 Quels volumes de gaz seraient sous embargo ?

Si la Russie vend 2x moins mais 2x plus cher, l'embargo gazier ne servirait à rien d'autre que de pénaliser l'industrie Européenne, sans diminuer les revenus Russes.

Une possibilité serait :

-de continuer les livraisons de gaz avec contrats à prix fixe faible,

-mais de discontinuer les livraisons à contrats indexés spot particulièrement juteux pour la Russie.

La Russie n'apprécierait sûrement pas de devoir garder uniquement les mauvais contrats. La Russie risquerait alors de fermer complètement le robinet du gaz.

Un embargo partiel aboutirait donc sur un embargo total.

La question se pose donc en termes simples, c'est tout ou rien : embargo TOTAL ou pas d'embargo DU TOUT sur le gaz russe vers l'Europe ?

La réponse est très dépendante de l'opinion publique. L'opinion publique européenne est partagée entre inflation galopante et empathie pour les Ukrainiens.


3 Que se passerait-il en cas d'embargo gazier russe total par l'Europe ?

Vraisemblablement le prix du gaz européen serait alors celui du chèque nécessaire aux foyers européens pour accepter une baisse de 2 à 4 degrés chez eux l'hiver en moyenne.

Même si on compense le gaz russe par des imports LNG, il manquera toujours du volume contrairement à ce que pense Madame Von der Leyen, d'où l'estimation de baisse de 2 à 4 degrés.

Ce genre de baisse de consommation par les foyers serait aussi très compliquée à mettre en œuvre et risquerait d'aboutir à des coupures abruptes en milieu d'hiver pour ceux qui auraient trop consommé sans réaliser.

Un foyer moyen consomme 10 MWh de gaz par an, vraisemblablement de très nombreux foyers accepterait sans problème une baisse de température contre 1000 euros annuels afin de réduire leur consommation de chauffage par 1/3.

Cela fait donc un prix estimé marginal de coupure des particuliers à partir de 300 euros/MWh. Mais ce n'est qu'une estimation grossière, le prix de coupure du gaz chez les particuliers s'étend probablement sur une plage très large entre 50 et 500 euros/MWh selon les situations individuelles et les pays européens.



Déroulement de la guerre en Ukraine

Huit généraux russes ont été remplacés cette semaine, n'ayant pas réussi à remporter les objectifs fixés par Vladimir Poutine.

Cela montre la frustration de Poutine qui pensait remporter une victoire rapide.

Les Russes avancent sur les chemins de moindre résistance mais n'arrivent pas à prendre les villes.

Les Russes se mettent alors à essayer de raser progressivement ces villes, causant des horreurs pour les civils comme à Marioupol.

L'Europe continue de livrer du matériel militaire très efficace aux Ukrainiens.

Les véhicules blindés russes (chars, transports de troupes, camions de ravitaillement, hélicoptères, avions) continuent d'être détruits dans des embuscades régulières.


Poutine s'est complètement trompé sur l'accueil que ses troupes recevraient.

Tous les cadres de l'armée ukrainienne et tous les cadres politiques ukrainiens savent qu'ils seront passés par les armes ou envoyés en Sibérie s'ils perdent, ils se défendent donc de manière acharnée.

Les rangs ukrainiens semblent bien soudés et se soudent encore plus au fur et à mesure des bombardements contre les civils.

Zelensky continue de gagner la bataille médiatique avec une communication sincère et moderne qui ne laisse personne indifférent.

En Russie, les rangs commencent à se fissurer très légèrement. A la télévision russe, on commence tout juste à faire des parallèles avec l'Afghanistan.

Les oligarques russes se montrent critiques vis-à-vis de Poutine. Mais la population russe déteste les oligarques.


Poutine a -en partie- construit sa carrière sur des assassinats ciblés. Mais le nombre de ses victimes a énormément augmenté entre ses débuts à Saint-Pétersbourg et le rasage d'Alep-Est.

Face à un pays de 40 millions d'habitants uni par le malheur, l'assassinat ciblé n'est pas possible.

Poutine est en train de perdre la bataille militaire ET la bataille médiatique mais de nombreux ukrainiens vont encore souffrir avant que la Russie ne s'effondre.



Balances prévisionnelles


Les prix pour l'été sont plus élevés que les prix pour l'hiver prochain. D'après le marché il ne faut donc rien stocker cet été.

Ce n'est pas logique sauf à penser que la guerre en Ukraine ne durera quelques mois puis que l'on trouvera une solution pendant l'été.

Le marché devrait rester déficitaire avec la question qui demeure sur le bandeau orange (dans le graphique ci-dessous) d'approvisionnement gazier russe.



Prix spot et forward


Les prix pétrole et charbon sont largement plus intéressants que les prix du gaz.

On voit à quel point ces prix sont problématiques pour l'industrie européenne par rapport aux coûts américains du gaz ou par rapport au coût du pétrole asiatique.



Conclusion


La grande question en ce moment est celle d'un embargo gazier par les Européens.

Si l'on organise un embargo partiel, les Russes répondront surement par un arrêt total des envois de gaz.

La décision potentielle d'embargo dépend beaucoup de l'opinion publique européenne partagée entre le portefeuille et l'empathie.

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